KRONOS
KRONOS
C’est le lundi 16 juin 2008 que j’ai rencontré pour la première fois Thierry Niang et le groupe.
Pendant six jours, nous avons travaillé non pas dans un théâtre, mais sous le chapiteau d’un cirque. Qui dit cirque, dit rond, dit cercle… je n’imaginais pas, alors, que peu d’années après j’allais tourner et tourner et tourner encore à presque en avoir le tournis !!!
Cogitant « Notre Sacre », Thierry Niang me demanda si je pouvais courir vingt minutes en continu, et de façon régulière; Même si ces vingt minutes devinrent près de quarante. Pour un marathonien vingt ou quarante c’est du pareil au même ! En revanche tourner en rond sur une scène de théâtre est une conception de la course qui me laissa dubitatif.
Je devins donc Kronos. Bien qu’ayant assuré ce rôle à plusieurs reprises je me demande toujours comment un corps peut tournicoter ainsi sans défaillir et en gardant sa lucidité.
Etre Kronos ne m’est pas difficile sur le plan physique, mais je dois veiller à être toujours à l’écoute de mes partenaires. Si mon rythme les aide dans leur marche, dans leurs courses, eux aussi me portent dans un tourbillon perpétuel.
Dans « Notre Sacre » il y a entre chacun de nous une complicité invisible.
Je veille à ne pas me laisser emporter par la musique quand elle s’amplifie, quand elle devient folle. En entendant cette frénésie endiablée, l’ensemble de mes partenaires s’enflamme au point que je perçois alors un essaim d’abeilles en furie.
Quand le groupe s’apaise je continue toujours et encore mon rythme éternel.
Daniel a parfois envie de s’arrêter, de marcher non pas par problème physique mais pour prendre le temps de les regarder parce que c’est tellement beau et émouvant ! J’ai aussi la pulsion de quitter mon couloir interdit à tout autre que Kronos pour aller rejoindre ces humains.
Mais Kronos veille et Daniel ne peut alors qu’obéir à ce « Maître du Temps » froid, imperturbable, mécanique, jamais enclin à communier avec les mortels.
L’envie de tourner à l’envers du groupe m’est parfois venue ; mais Kronos est intransigeant. : « Thierry, tu peux être tranquille Kronos ne tolère aucune fantaisie ».
Désormais dans les filages, Daniel reste Daniel, mais au moment du spectacle il s’efface totalement, sans état d’âme qui entre en scène.
Lorsque la musique cesse définitivement la vingtaine de participants entourent l’élue, puis viennent se placer pour saluer.
Seul Kronos continue sa course avec une envie furieuse de continuer toujours et encore et même d’accélérer. Il doit être shooté !
C’est alors que tout doucement avec une infinie prudence, craignant encore l’ire du dieu, Daniel s’immisce dans les pas de Kronos en ralentissant progressivement le rythme. Et c’est Daniel qui rejoint alors ses partenaires : il est enfin parmi eux, il est comme eux, heureux d’appartenir à un groupe divinement sacré.
Par Daniel Piovanacci
Mis à jour le 22/05/13